Daniel MACOUIN

Poèmes retrouvés au fond d’une disquette




Grace aux vertus d’un émulateur, j’ai retrouvé des textes sur une disquette formatée pour Atari. Quelques poèmes gisaient là. J’en ai ressorti quelques-uns, dates approximatives 1993/1998. Je n’ai pas cherché à les incorporer dans les divers apparentements, même si le petit quatrain Si doux soit… relève à l’évidence des contrerimes.

Mai 2025


    




Si doux soit de ne rien faire

Amie éperdue

Laisse-moi à mon affaire

Aux heures perdues



*

Quand bien même



Quand même tu serais du siècle le génie

immortel, l'éternité de l'art se mesure

tout juste à l'aune irrémédiable de l'usure

d'un pigment, d'un châssis entoilé, d'un vernis.



*

Douceur d'octobre s'étire...



Douceur d'octobre s'étire comme nos ciels

L'Atlantique alangui nous maintient hors l'automne

Goutant l'anticyclone Ô ce péché véniel

chacune et chacun auprès du voisin s'étonne

craignant la représaille à ce surplus de miel.



Vivre là sur les bords de la côte océane

Voir au loin vibrer l'air estompant l'horizon

Gouter au soir qui tombe l'or comme une manne

que le soleil qui part solde en fin de saison

et oublier un temps les malheurs qui nous tannent.



*

Air printanier



Le regard au mois d'avril ou mai

capte aussi l'éclat des feuilles nouvelles mais

au pli de jupe un galbe de cuisse



Les rayons du soleil font sortir du carême

et l'U.V. en vigueur vous remet

si tant est que l'hiver qui finit désormais

ait éteint des ardeurs en vous-même



Quel fou quel curé quel mollah parla de vice

pour la vie que le printemps ramène

Redonnez-nous de la Grèce des dieux qui aiment

comme vous ou moi et nous bénissent.



*

Je marchais en falaise...



Je marchais en falaise au chemin des douaniers

devinant aux lointains le phare des baleines

par le pertuis breton et le fiers des sauniers

un pan pierreux tomba quand la mer était pleine:

l'eau avec la terre sait ainsi communier.



*

Lettres d'automne



Que sombres sont ces jours si courts qui se compriment

espérant le solstice de l'hiver

en ce long automne qui prend comme à revers

l'amant des lumières maritimes



C'est médire des côtes d'Aunis et d'Arvert

d'ainsi gémir contre un ciel azyme

quand à l'éclaircie journalière s'offre en prime

la douceur sous les pins toujours verts



Rapidement monté puis vite parti vers

l'intérieur des terres - là-bas cime

de plomb - le nuage ici rarement se grime

en gris : le soleil passe à travers



Viens-t'en à la mer, photosensible victime

des jours raccourcis des ciels couverts

te soigner aux dernières lanières de vair

au lumen en dernières opimes



*

Quelle nouvelle vilenie...



Quelle nouvelle vilenie a-t-il fallu

pour cette belle envolée au palais Brongniart

Princes! La presse économique vous salue

pour avoir en un jour gonflé tous vos milliards

Quel soucis d'équilibre : à la une j'ai lu:

"Folie! le smic en juillet prend un quart de liard"



*

Rivé à ton écran…



Rivé à ton écran où tu t'uses les yeux

au lassant vibrato de la bande passante

cinquante mégahertz de ce tube trop vieux

tu ne vois rien dehors: ni tempête qui vente



ni de l'ouest la pluie, ni les feuilles qui tombent,

la rue grouille de gens, de voitures aussi

mais rien distrait ton oeil du guet anxieux des bombes

qui marqueront le bug, objet de ton soucis



Eh! Gosse de génie ô programmeur imberbe

à la bouille en pixel, sort de ton assembleur

le binaire attendra, chaque chose à son heure!

C'est vrai - dit le gamin - t'aurais pas un peu d'herbe?



*

De mes espoirs...



De mes espoirs, même de la désespérance

Mon siècle à demi engrangé

Je suis revenu de beaucoup.



Si le cuir se tanne à la compagnie des loups

Malgré l'age et le temps qui panse

J'enrage encore à la méchanceté.



Je suis comme ma mère en sa simplicité

Le plus faible est mon camp. J'avoue

On retombe toujours à son enfance.



*

Sweet home



Dring. Le téléphone sonne

Est-ce ami parent?

Non. Filtres inopérants

c'est Marketing-phone



Interview : connaissez vous

la soif et la faim ?

Non. J'ai du vin et du pain

tant et tant pour tout



Peut être êtes vous malade?

Que nenni : un roc.

L'amour? Je pète dans mon froc

tant je prends mon fade



Léger flottement au bout

de la ligne. Je

suis grossier, un peu par jeu

un peu car je bous



L'autre reprend son listing

de questions ciblées

pour clientèle cablée

Je raccroche. Bling!



Dring! ça re-sonne Ah! j'enrage

Non. C'est à la porte

qu'on me mande. Une sorte

neuve de sondage



Un : souffrez vous des aisselles ?

deux : ou d'insomnie ?

La pâte en macaroni

vous procure-t-elle



un manque de sentiment

tendre? Certes pas

des femmes aux doux appas

m'aiment et je leur rends



Quelque chose vous faut-il?

Non. Rien ne me manque

Pas même l'appui des banques

ni choses futiles



Comme ultime coup de sonde :

que peut-on vous vendre

alors?! : une corde pour vous pendre

emmerdeurs du monde







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