Daniel MACOUIN Poèmes retrouvés au fond d’une disquette
Si doux soit de ne rien faire
Amie éperdue
Laisse-moi à mon affaire
Aux heures perdues
*
Quand bien même
Quand même tu serais du siècle le génie
immortel, l'éternité de l'art se mesure
tout juste à l'aune irrémédiable de l'usure
d'un pigment, d'un châssis entoilé, d'un vernis.
*
Douceur d'octobre s'étire...
Douceur d'octobre s'étire comme nos ciels
L'Atlantique alangui nous maintient hors l'automne
Goutant l'anticyclone Ô ce péché véniel
chacune et chacun auprès du voisin s'étonne
craignant la représaille à ce surplus de miel.
Vivre là sur les bords de la côte océane
Voir au loin vibrer l'air estompant l'horizon
Gouter au soir qui tombe l'or comme une manne
que le soleil qui part solde en fin de saison
et oublier un temps les malheurs qui nous tannent.
*
Air printanier
Le regard au mois d'avril ou mai
capte aussi l'éclat des feuilles nouvelles mais
au pli de jupe un galbe de cuisse
Les rayons du soleil font sortir du carême
et l'U.V. en vigueur vous remet
si tant est que l'hiver qui finit désormais
ait éteint des ardeurs en vous-même
Quel fou quel curé quel mollah parla de vice
pour la vie que le printemps ramène
Redonnez-nous de la Grèce des dieux qui aiment
comme vous ou moi et nous bénissent.
*
Je marchais en falaise...
Je marchais en falaise au chemin des douaniers
devinant aux lointains le phare des baleines
par le pertuis breton et le fiers des sauniers
un pan pierreux tomba quand la mer était pleine:
l'eau avec la terre sait ainsi communier.
*
Lettres d'automne
Que sombres sont ces jours si courts qui se compriment
espérant le solstice de l'hiver
en ce long automne qui prend comme à revers
l'amant des lumières maritimes
C'est médire des côtes d'Aunis et d'Arvert
d'ainsi gémir contre un ciel azyme
quand à l'éclaircie journalière s'offre en prime
la douceur sous les pins toujours verts
Rapidement monté puis vite parti vers
l'intérieur des terres - là-bas cime
de plomb - le nuage ici rarement se grime
en gris : le soleil passe à travers
Viens-t'en à la mer, photosensible victime
des jours raccourcis des ciels couverts
te soigner aux dernières lanières de vair
au lumen en dernières opimes
*
Quelle nouvelle vilenie...
Quelle nouvelle vilenie a-t-il fallu
pour cette belle envolée au palais Brongniart
Princes! La presse économique vous salue
pour avoir en un jour gonflé tous vos milliards
Quel soucis d'équilibre : à la une j'ai lu:
"Folie! le smic en juillet prend un quart de liard"
*
Rivé à ton écran…
Rivé à ton écran où tu t'uses les yeux
au lassant vibrato de la bande passante
cinquante mégahertz de ce tube trop vieux
tu ne vois rien dehors: ni tempête qui vente
ni de l'ouest la pluie, ni les feuilles qui tombent,
la rue grouille de gens, de voitures aussi
mais rien distrait ton oeil du guet anxieux des bombes
qui marqueront le bug, objet de ton soucis
Eh! Gosse de génie ô programmeur imberbe
à la bouille en pixel, sort de ton assembleur
le binaire attendra, chaque chose à son heure!
C'est vrai - dit le gamin - t'aurais pas un peu d'herbe?
*
De mes espoirs...
De mes espoirs, même de la désespérance
Mon siècle à demi engrangé
Je suis revenu de beaucoup.
Si le cuir se tanne à la compagnie des loups
Malgré l'age et le temps qui panse
J'enrage encore à la méchanceté.
Je suis comme ma mère en sa simplicité
Le plus faible est mon camp. J'avoue
On retombe toujours à son enfance.
*
Sweet home
Dring. Le téléphone sonne
Est-ce ami parent?
Non. Filtres inopérants
c'est Marketing-phone
Interview : connaissez vous
la soif et la faim ?
Non. J'ai du vin et du pain
tant et tant pour tout
Peut être êtes vous malade?
Que nenni : un roc.
L'amour? Je pète dans mon froc
tant je prends mon fade
Léger flottement au bout
de la ligne. Je
suis grossier, un peu par jeu
un peu car je bous
L'autre reprend son listing
de questions ciblées
pour clientèle cablée
Je raccroche. Bling!
Dring! ça re-sonne Ah! j'enrage
Non. C'est à la porte
qu'on me mande. Une sorte
neuve de sondage
Un : souffrez vous des aisselles ?
deux : ou d'insomnie ?
La pâte en macaroni
vous procure-t-elle
un manque de sentiment
tendre? Certes pas
des femmes aux doux appas
m'aiment et je leur rends
Quelque chose vous faut-il?
Non. Rien ne me manque
Pas même l'appui des banques
ni choses futiles
Comme ultime coup de sonde :
que peut-on vous vendre
alors?! : une corde pour vous pendre
emmerdeurs du monde
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